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Murdochville renaît de ses cendres

mars 10, 2021 / Par nicolas

Temp de lecture : 6min
À l’instar d’un phénix, Murdochville renaît de ses cendres. Après avoir été au bord du gouffre, cette ancienne ville minière située en plein cœur de la Gaspésie profite d’un nouveau souffle. La raison? Le plein air. « Quand on parle de la Gaspésie, les gens pensent aux plages, aux rivières ou aux montagnes. À Murdochville, on est en plein milieu de tout ça. » Guillaume Molaison est PDG du Chic-Chac, une entreprise spécialisée dans le tourisme d’aventure 4 saisons, depuis plus d’une décennie. Originaire de la région, Guillaume a toujours été un grand passionné de sport et de plein air. Joueur de hockey semi-professionnel, il est retourné s’installer en Gaspésie au début des années 2000 après un bref passage au Saguenay. Après une formation comme guide-aventure au Cégep de Gaspé, Guillaume a mis le cap sur Murdochville à une heure de route de la «capitale» gaspésienne. Accompagné de sa conjointe, Éloïse Bourdon, le jeune homme voulait travailler dans le monde du tourisme, mais les opportunités se faisaient rares. « J’ai réalisé qu’on pouvait commencer un projet sans capital à Murdochville, explique-t-il. Mais quand on est allés au départ, ce n’était pas pour y implanter un projet, c’était pour avoir un pied à terre peu dispendieux entre le parc national de la Gaspésie et le mont Miller. » En mettant les pieds à Murdochville, Guillaume et sa conjointe ont réalisé que le potentiel touristique n’était absolument pas exploité. Les locaux avaient vécu la chute industrielle à la suite de la fermeture de la mine et ils s’attendaient à ce que l’économie soit relancée de la même manière. « Le récréotourisme était jugé utopique et insuffisant pour relancer une ville comme Murdochville, raconte l’entrepreneur. Certains voulaient même empêcher la restructuration de la ville, puisqu’ils préféraient qu’on ferme la ville pour recevoir une indemnité, plutôt que de tenter des projets difficiles à supporter. C’est là où j’ai réalisé que notre mission était peut-être plus importante que notre bonheur personnel. »

Crédit : Chic Chac

Bénévolat non grata

Au début des années 2000, la seule montagne exploitée et exploitable pour les amoureux de sports de glisse était le mont Miller. Guillaume et Éloïse ont donc décidé d’y mettre toute leur énergie pour tenter de ragaillardir l’endroit. « On voulait rendre fonctionnelle la montagne de ski qui était sous-exploitée, souligne Guillaume. La montagne n’était pas ouverte en décembre, il n’y avait pas d’entretien, pas de développement de sous-bois, les infrastructures étaient désuètes, alors ça ne s’en allait nulle part. » Sauf que rapidement, les deux tourtereaux se sont rendus compte qu’ils dérangeaient. « Au début, on s’impliquait bénévolement dans les organisations, mais on s’est fait tasser parce qu’on était trop dynamiques et qu’on était pas capable d’accepter le statu quo. Il s’est créé un fossé entre ceux qui étaient là avant et qui avaient accepté leur situation et nous qui arrivions avec notre volonté de l’améliorer. » C’est donc à ce moment que Guillaume et Éloïse ont décidé de fonder leur propre organisation. Pour eux, il était hors de question de laisser dormir ce potentiel récréotouristique. De toute façon, le mont Miller n’était pas la seule montagne des Chic-Chocs, loin de là. « Quand on s’est fait montrer la porte, alors qu’on faisait des efforts bénévolement, on s’est dit qu’il allait falloir créer notre propre organisation pour prendre nos décisions et avoir l’impact qu’on veut. » Le couple a fait flèche de tout bois en utilisant les autres montagnes bordant Murdochville. « On a décidé de commencer à aménager nos propres domaines skiables, raconte Guillaume. En collaboration avec des locaux, on a créé la COOP Accès Chic Chocs qui avait pour objectif de développer les domaines skiables en Gaspésie. On a implanté notre premier, qui était le mont Porphyre, puis ensuite le mont Lyall et le mont York qui est devenu une montagne exclusive au Chic Chac. »

Crédit : Chic Chac

La naissance du Chic Chac

Si le mont Miller était destiné aux skieurs et planchistes de tous les jours, les autres domaines développés par la COOP visaient plutôt les amoureux de l’aventure et du hors-piste. En vertu de sa formation de guide, Guillaume pouvait ainsi mettre à profit ses connaissances de la région, son amour du plein air et son désir de faire revivre Murdochville. Le couple a acheté un duplex pour une bouchée de pain, environ 6000 $, pour y accueillir des invités occasionnels. Puis les deux amoureux se sont associés à d’autres propriétaires pour accueillir encore plus d’amoureux de plein air. La recette était simple : ils accueillaient des touristes, leur faisaient vivre l’expérience des Chics chocs, puis le bouche-à-oreille faisait le reste. « On a pu se développer sans avoir de sous en créant des relations avec d’autres propriétaires de bâtisses dans Murdochville pour augmenter notre capacité d’accueil. À l’origine, c’était donc essentiellement du logé/nourri. Comme mon expertise était le guidage, on a ajouté ça à l’offre de service. » Les affaires ont décollé, si bien que le mont Porphyre, le mont Lyall et le mont York étaient nettement plus visités par les touristes que le mont Miller. « On s’est rendus compte que le mont Miller ne suivait toujours pas la parade et ça commençait à être important d’en faire l’acquisition. On s’est battus plusieurs années pour convaincre la municipalité de nous faire confiance pour développer cette station de ski. » Après une longue route, ils ont finalement réussi à acquérir la montagne et le chiffre d’affaires a triplé l’année-même. Peu après avoir fait l’acquisition du mont Miller, Guillaume et Éloïse ont acheté le camping et la base de plein air du lac York. « Ça nous a permis d’offrir des jobs à l’année à notre staff. Ça nous a permis de garder les jeunes avec nous à Murdochville toute l’année. Ce n’était donc plus seulement une destination hivernale. Ça devenait un lieu où tu pouvais vivre à l’année grâce à l’industrie récréotouristique. »

Crédit : Chic Chac

Le tourisme récréatif : le sauveur de Murdochville

Même si le chemin a été long et ardu, Guillaume et Éloïse touchent presque au but. Murdochville est de plus en plus visitée par les assoiffés d’aventure et de plein air, mais il faut désormais convertir les nomades. Guillaume souligne les efforts du gouvernement provincial qui a ouvert un centre d’appel de la SAAQ à Murdochville et qui a investi dans les éoliennes pour revigorer l’économie locale. Mais le tourisme récréatif demeure la clé, selon le PDG du Chic Chac. « L’ironie de Murdochville, c’est que c’est passé d’une ancienne mine à un parc national. Il y a beaucoup moins d’impact sur l’environnement à créer du tourisme récréatif qu’à créer des opportunités industrielles. Je veux faire de Murdochville un exemple de développement économique, social et culturel. Je veux que ce soit la capitale du tourisme d’aventure au Québec. » « On veut offrir des emplois alléchants dans tous les départements et installer une communauté solide à Murdochville. » Après avoir dû convaincre les réfractaires de la viabilité de leur projet, Éloïse et Guillaume sentent que le vent tourne et que la communauté est prête à accueillir de nouveaux citoyens. « Maintenant, les gens croient que le tourisme, le rafting, le ski, le vélo, ça peut être un moteur financier suffisamment fort pour générer des emplois et convaincre des gens de venir vivre ici. Toutes les infrastructures sont déjà ici : on a un hôpital au coin de la rue, un aréna, une école primaire, une école secondaire, on a tout. »

Crédit : Chic Chac

Tous les éléments sont réunis pour faire de Murdochville un camp de base idéal pour les amoureux du plein air. Et si un jour cette petite ville devient le centre récréotouristique par excellence du Québec, il faudra se rappeler que tout ça ne s’est pas fait de façon organique. Comme le dit la fameuse expression : « Murdochville ne s’est pas construite en un jour. »